Politique

Troisième transition : sera-t-elle la dernière du siècle ?

Près de deux mois après le coup d’état et après avoir observé les actes posés par les nouveaux hommes forts du pays, nous pourrons nous risquer à l’analyse de la situation de façon moins émotive, plus rationnelle.

Dans notre édito du mercredi 08 juillet 2020 (cf. Delta News N°272) nous écrivions à propos des évènements qui se déroulaient dans notre pays : « Les ponts de négociations entre le M-5 et IBK semblent rompus. Et, la défiance du M-5 vis-à-vis du pouvoir est si grande que ce serait un miracle que le pays ne sombre pas dans une rupture. La bonne question est plutôt : quelle sera l’ampleur de cette rupture et de ses effets collatéraux pour notre pays et dans la sous-région ? » Notre pronostic s’est avéré malheureusement confirmé et le pays est entré dans une phase de toutes les incertitudes malgré l’espoir suscité par cette nouvelle et nième rupture. En effet, la situation de décrépitude était telle qu’il fallait une rupture afin de donner une chance au pays de repartir sur de nouvelles bases, sinon d’opérer de profonds changements dans le mode de fonctionnement de notre gouvernance. C’est ce que certains ont appelé la Refondation de l’État. Quoiqu’on dise, la situation antérieure était pire que ce que nous vivons aujourd’hui, car au moins aujourd’hui, on peut se nourrir d’espoir. C’est pourquoi quelques jours après le putsch militaire, dans notre dernière parution d’avant les vacances, nous écrivions (cf. delta News n° 277) en titre : « Dix-huit août 2020 : naissance d’un nouvel espoir pour le Mali. »

Certes, il a fallu près de 50 jours, exactement 48 jours pour voir, la mise en place d’un organe essentiel de l’État : un gouvernement. Certes les jeunes officiers ont tenté et tenteront toujours de vouloir confisquer la victoire du peuple, mais ils savent que l’environnement national et international ne pourraient le leur permettre, c’est pourquoi ces tâtonnements, ces hésitations ces va-et-vient. A leur décharge, il faut avouer que le mouvement insurrectionnel de mars 1991 était plus structuré. A l’époque, contrairement au M5 qui est un mouvement très disparate, il y avait deux grands mouvements, l’ADEMA et le CNID qui ont été rejoints par la grande centrale syndicale, l’UNTM puis par un groupe de militaires, le Comité de Réconciliation Nationale (CRN) constitué de 19 membres présidé par ATT. Il faut aussi noter que ces deux mouvements étaient si puissants que le CRN ne pouvaient les ignorer car ils savaient que ces mouvements ne pourraient en aucun cas tolérer une autre dictature militaire. Par ailleurs certains acteurs de ces mouvements avaient des rapports secrets suivis avec des éléments du CRN dont ATT. C’est dire que le contact était plus aisé entre le CRN et le mouvement démocratique. Il n’est pas sûr que ce fut le cas entre le Comité National de Salut du Peuple (CNSP) et le Mouvement du 5 juin, Rassemblement des Forces Patriotiques(M5-RFP).

Bien qu’au départ, le CNSP semblait confiant au M5, au fil des semaines, on a vu apparaître une certaine méfiance envers les acteurs du 5 juin. C’est ainsi que pour toutes les actions entreprises par le CNSP notamment à la Concertation Nationale, le M5 a eu l’impression d’être floué par son « frère jumeau. » A l’entendement du M5 même s’il n’avait pas pris l’initiative, il devrait coorganiser ce forum avec le CNSP. Pire, les conclusions auxquelles sont parvenues les différents groupes de travail n’ont pas été fidèlement restituées. Il n’en fallait pas plus pour que certains éléments du M5 crient à la trahison. De même le M5 n’a pas participé à la nomination du président de transition et il n’a pas eu de satisfaction on plus pour le choix du premier. Pour ce choix, il semble que le CNSP a profité de l’incohérence du M5. Ce choix serait venu d’une branche du M5. Bref, cahincaha, laborieusement le gouvernement a été formé. Il semble avec des membres du M5.

Il reste au M5 de se battre pour le Comité National de Transition (CNT) futur organe législatif dont le rôle est prépondérant dans les textes à adopter pour la refondation de l’état. Avec un président qui promet impunité zéro et des textes adaptés à nos réalités, avec les débats multiples de haut niveau qui ont encore lieu au sein des dizaines de groupes de réflexions sur plusieurs thèmes concernant la gouvernance, l’espoir est permis d’avoir de bonnes institutions afin que dans cinquante, cent, trois cents ans et plus, que le phénomène de coup d’état soit ridicule pour les générations futures.

Hamidou A. Ongoïba

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