Édito - Il faut le dire

La manif du 20 janvier 2021 ou le rendez-vous de l’incohérence et de l’intolérance.

A coups de matraquage médiatiques surtout dans les réseaux sociaux, les activistes de « Yèrèwolo Ton Debout sur les Remparts » ont appelé les maliens à descendre dans la rue et à investir la place de l’indépendance devenue une place emblématique du changement depuis les grandes mobilisations de l’année dernière dirigées par le M5- RFP qui ont conduit à la chute du régime IBK.

Cependant une analyse sommaire de la situation actuelle du pays aurait pu amener les organisateurs à se rendre compte que le succès de cet appel à manifestation était un pari risqué pour plusieurs raisons parmi lesquelles nous citerons deux. D’abord, il y a eu une scission entre les organisateurs. Un communiqué avait passé à travers les réseaux sociaux pour annoncer le report de la manifestation. Ensuite, le thème : « les forces Barkane dehors ! » n’est pas la priorité de la plupart des maliens aujourd’hui. En effet, la majorité des maliens aspirent d’abord à leur sécurité et ce n’est pas en chassant les forces étrangères en ce moment que nous allons assurer notre sécurité. La majorité des maliens qui font du départ des forces étrangères du Mali une priorité sont de la diaspora, ou sont dans les villes, loin des réalités. Il ne faut pas se voiler la face à moins qu’on veuille faire le Don Quichotte, ce personnage généreux et idéaliste qui se pose en redresseur de torts, de l’écrivain espagnol Cervantès. Aujourd’hui, les FAMA sont en restructuration et ne sont pas à mesure d’assurer notre sécurité. En 1961, Modibo Keïta, le père de l’indépendance dont ils réclament l’héritage, était très cohérent dans sa prise de décision d’évacuer les forces étrangères du territoire national et le pays était en paix et cette décision entrait dans la stratégie globale de développement et de la reconquête de la souveraineté nationale élaborée par l’USRDA. Aujourd’hui, le pays est menacé de partition et de se transformer en une république obscurantiste. Sans oublier que ce sont les maliens qui ont d’abord demandé l’intervention de la France même si celle-ci, n’a pas comblé toutes leurs attentes. Peut-on lui reprocher d’avoir posé des actes qui lui semblaient plus bénéfiques ? On sait que dans les relations entre états, les sentiments moraux n’ont pas leur place. Nous devrions plutôt nous en prendre à nos dirigeants qui ont pris de mauvaises décisions si mauvaises décisions il y en a eu.

Par ailleurs, en dépit de l’incohérence de la décision de manifester des activistes, le pouvoir n’avait pas le droit de les disperser à coups de gaz lacrymogène. La liberté de manifester est un droit constitutionnel et le devoir des forces de l’ordre et des organisateurs est de faire en sorte que la manifestation ne déborde pas. La junte a montré là sa fébrilité et son manque de tolérance, quand elle est en face d’une opinion contraire à la sienne. Par sa réaction, elle a foulé aux pieds la célèbre citation apocryphe, c’est-à-dire inventée et faussement attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire »

Pour que cette transition soit une réussite, activistes, politiques et junte devraient « mettre un peu d’eau dans leur vin » et penser à s’attaquer à la priorité des priorités : la sécurité. Et cela ne pourrait se faire que dans un esprit de dialogue et de tolérance. Car, comme le dit le Sage de Bandiagara, Amadou Hampâté BA : « Ce qu’il faudrait, c’est toujours concéder à son prochain qu’il a une parcelle de vérité et non pas de dire que toute la vérité est à moi, à mon pays, à ma race, à ma religion. »

…sans rancune

Wamseru A. Asama

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