Victor SY : Un homme de conviction et de courage s’en est allé !
Victor SY : pour la majeure partie de maliennes et de maliens ce nom n’évoque certainement pas grand-chose car, tel un vieux lion qui s’éloigne très peu de sa tanière, Victor SY depuis l’avènement de la démocratie, s’est fait discret sur la scène nationale. L’âge – 87 ans – et les raisons de santé l’ont apparemment contraint à rester cloîtré chez lui ; lui qui fut naguère un super et même hyper actif aussi bien physiquement qu’intellectuellement. Les maliens et les maliennes d’un certain âge savent que : durant les 23 années de son règne il ne s’est pas passé une année où le Lieutenant puis le Général Moussa Traoré n’ait eu à faire soit aux éléments de l’armée, soit à la société civile, notamment les syndicats d’enseignants, soit aux élèves et étudiants. C’est dire, que malgré la chape de plomb qu’il avait abattu sur le pays, il a toujours eu, en face de lui, une résistance. Et celle-ci était le fruit de conscientisation et de mobilisation permanentes d’hommes, de femmes et surtout de jeunes dans tous les milieux par des acteurs et actrices, hommes et femmes de conviction, d’esprit de sacrifice et dont l’ensemble constituait à l’époque tout un spectre de générations allant de celle des pères de l’indépendance à celle de l’AEEM d’Oumar Mariko en passant par la génération Abdoul Karim Camara dit Cabral. Sans que tous ces différents acteurs aient une coordination formelle, ils se sentaient solidaires à travers leurs différentes interventions dans les conférences débats, les projections débats etc. favorisant ainsi la naissance d’une synergie d’actions entre eux. Parmi ces éveilleurs de conscience qu’on appellerait aujourd’hui influenceurs, il y en avait qui étaient membres d’organisations clandestines et d’autres pas: tels Victor Sy et son comparse Vzéro. Par leurs discours et leur comportement, ces deux professeurs de sciences physiques, avaient une grande influence sur les jeunes élèves et étudiants. Et, les autorités de l’époque, pour un rien n’hésitaient pas à les interner et à leur faire subir toutes sortes de tortures. C’est ainsi qu’ils furent des pensionnaires des plus sordides prisons du pays, dont la pire d’entre elles à l’époque : Taoudénit, la prison mouroir de Moussa Traoré. Finalement, afin qu’ils ne « polluent » plus la jeunesse, on les a suspendus des cours. C’est ainsi que Victor Sy s’est retrouvé à Tessit / Ansongo comme administrateur. On l’amena là, manu militari. Fidèle à lui-même, il n’a jamais exercé cette fonction. De Tessit, il regagnera Niamey, puis Dakar où il vivra les affres de l’exil forcé, loin de sa famille et de son pays, jusqu’au renversement de la dictature, le 26 mars 1991. Malgré les innombrables, tortures qu’il a subies, Victor Sy a pu survivre et conserver sa conviction et son ardeur de lutte intactes. Et comme Mandela, « il avait compris que le courage n’était pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre». En cela, son courage est semblable à ce pilote de chasse soviétique Alexeï lors de la grande guerre patriotique dans le roman de Boris Polevoï qui a réussi à survivre à un accident, en pleine forêt en marchant, rampant malgré les pieds broyés par l’accident. Et, comme Alexeï le héros de Boris Polevoï, on peut affirmer que Victor Sy était « un homme véritable ». Ce 21 mars 2023, un homme de conviction et de courage s’en est allé ! Adieu kɔrɔ Victor. Que ton âme repose en paix !
…sans rancune
Wamseru A. Asama