La fréquence du phonème [ ] dans « Nuits sans étoiles » de Saïbou Coulibaly
« Nuits sans étoiles » est un recueil de poèmes de Saïbou Coulibaly publié chez Figuira éditions en 2023. L’œuvre traite plusieurs thématiques comme l’affection, la reconnaissance, le souvenir, la célébration de la patrie, la lutte contre l’injustice, etc. Le poète utilise un style qui respecte et viole à la fois les règles de la versification française. Au-delà de l’écriture fantaisiste qu’on remarque à travers un acrostiche en « Ousmane Guindo », l’auteur joue avec le phonème [ ] qui dévient plus tard en quelque sorte son tic tout le long de son livre. Cet article porte sur l’étude de cet aspect propre à la critique psychologique
Nuits sans étoiles » est un recueil d’une soixantaine de poèmes longs et courts écrits en français. Dans ce recueil de quatre-vingts (80) pages, l’auteur utilise au moins huit-cent-dix (810) fois le son « an » connu internationalement sous le signe de [ ]. Il n’y a aucun poème qui exclut ce phonème. Sa fréquence varie d’un texte à un autre. Dans certains poèmes, il est tant répété qu’on peut plus ou moins le considérer comme un tic de l’auteur.
Nous sommes dans la poésie, certes. Ce genre littéraire, selon les théoriciens, favorise les jeux de sonorité, les rimes et les figurent de style comme l’assonance ou l’allitération. Mais le cas de Saïbou Coulibaly rend le lecteur perplexe. Ce dernier se demande, enfin, si la répétition du phonème [ ] est une assonance volontaire ou un tic auctorial (tic de l’auteur).
Considérons les faits ! On repère le son [ ] au moins trente-six (36) fois dans le poème intitulé « Tu as un téléphone » (pp.22-23), au moins trente-une (31) fois dans le texte titré « Je ne vais plus à l’école (poème à deux voix) »s (pp. 19-20), au moins trente (30) fois dans le texte poétique « Je suis Afrique » (pp. 58-59), au moins trente (30) fois encore dans le poème « M’SILA (à mon compagnon de lutte Nassin DIARRA) » (pp. 71-72-73) et au moins vingt-huit (28) fois dans le poème « Le patron » (p.33). Ainsi, dans ces cinq poèmes déjà, on constate que le poète utilise au moins cent-cinquante-cinq (155) fois le son [ ].
Cette forte ambition vis-à-vis de l’emploi du son [ ] s’identifie véritablement dans certains vers où il figure au moins quatre (4) fois. Nous pouvons entre autres citer les vers suivants : « Mère ! Sans un climat apaisé, un enseignement patent » (p.19), « Hélant sans justesse l’autre dans son élan » (p.21), « Agis sans insolence dans ce monde ébranlé » (p.22), « Tous ensemble, sans absence ni individualisme » (p.51). On peut, dans tous ces vers qui mettent en valeur l’usage du son [ ], faire une remarque pertinente : l’emploi de la préposition « sans ».
La préposition « sans » serait ainsi un tic secondaire de Saïbou Coulibaly. Dans les poèmes intitulés « Citoyenneté », « Tu as un téléphone » et « Dépêche-toi », le poète emploie respectivement cinq (5), cinq (5) encore et quatre (4) fois la préposition « sans ». Ce terme de négation figure au moins cinquante (50) fois dans les poèmes de Saïbou Coulibaly sans compter celui du titre : « Nuits sans étoiles ». En ce sens, le poète partage le même tic que Bréhima Touré. Ce dernier emploie la préposition « sans » au moins soixante (60) fois dans son roman intitulé « Les désillusions de Bouba ». Cette analyse du tic, nous rappelle l’expression « racler la gorge » qu’on identifie dans les textes de Seydou Badian, d’Amadou Hampâté Ba, de Moussa Konaté, d’Ousmane Thiény, de Modibo Basseydou Touré, de Fatoumata Keita, de Safiatou Ba, de Mohamed Diarra, de Paul-Marie Traoré, pour ne citer que ceux-là.
En conclusion, dire que les tics de Saïbou Coulibaly sont le phonème [ ] et la préposition « sans », demeure une hypothèse qui se confirmera ou pas dans les prochains textes du poète malien. De toute façon, la répétition d’un son quelconque dans un poème ne peut que l’enjoliver même s’il demeure un tic autorial.
Modibo Ibrahima KANFO