Les enjeux du 18 juin 2023
De Londres, le mardi 18 juin 1940, un certain général français, Charles De Gaulle, s’adressait, aux français dans un message pathétique, devenu désormais célèbre « L’Appel du 18 juin » les invitant à s’unir dans l’action, derrière lui, pour libérer la France de l’occupation allemande. Cette date est très importante pour la France et elle est commémorée chaque année. En utilisant les qualificatifs que s’attribuent mutuellement les autorités françaises et maliennes, on pourrait se demander : est-ce pour lancer un pique contre leurs « sinanku » – cousins à plaisanterie – de la « junte française », que la « junte malienne » a fixé au 18 juin 2023 la date du referendum ? Certainement pas ; un simple hasard de calendrier, mais on observera qu’autant le 18 juin 1940 marque le point de départ de l’unité d’action de lutte pour la libération et la refondation de la France, autant pour la Transition, le referendum du18 juin 2023 marquera le point de départ de l’instauration d’un Mali Kura ! C’est dire l’importance de l’organisation de ce referendum dont les enjeux sont énormes et multiples. Nous nous en tiendrons à trois.
Le citoyen malien ordinaire n’a pas conscience de l’importance de la loi fondamentale. Il peut, très difficilement faire un lien entre sa vie quotidienne et la Constitution. Par ailleurs, il ne peut imaginer une élection au cours de laquelle il n’existe pas de protagonistes en chair et en os, qui se disputent un poste. Il aura donc tendance à se démobiliser. Qui plus est, l’insécurité « résiduelle » ou « effective » ambiante constitue aussi un facteur non négligeable de démotivation. C’est dire que le premier enjeu est d’ordre sécuritaire, il faudrait à l’occasion de ce referendum montrer que la montée en puissance de l’armée n’est pas un vain mot : le monde entier aura les yeux rivés sur cet immense territoire qu’est le Mali.
Par ailleurs, selon le cabinet de sondage GISSE (Groupement d’intérêt scientifique des statisticiens économistes), à Bamako, plus 55.2% personnes interrogées ne connaissent pratiquement rien sur la nouvelle Constitution. Ce sondage a été réalisé sur un échantillon de 1445 personnes entre le 22 avril et le 06 mai 2023. Il n’est pas certain que la campagne de vulgarisation apporte un changement significatif. Quant aux « militants » et « sympathisants » de partis ou regroupements de partis politiques, d’associations politiques et de la société civile, ils se subdivisent en deux groupes : ceux qui sont irréductibles et anti-transition. Ils adoptent une position négative, tranchée. La plupart d’entre eux ne se rendront pas aux urnes estimant que leur lutte est perdue d’avance. Le deuxième groupe, le plus important est constitué de partis ou regroupements politiques, d‘associations qui ont eu à accompagner la Transition depuis le coup d’état du 19 août 2020 et de dizaines d’associations ou partis politiques créés surtout après la rectification de la Transition intervenue le 24 mai 2021. Ce deuxième groupe sera assurément, le fer de lance de la mobilisation et de la campagne référendaire pour le OUI. Mais, est-ce que tout ce beau monde est inscrit sur la liste électorale et possède une carte d’électeur ? Le deuxième enjeu pour la Transition sera donc, celui du taux de participation. A l’aune des statistiques des différents scrutins tenus dans notre pays, depuis l’avènement de la démocratie en 1992, on pourrait estimer que les autorités de la Transition auront largement réussi, si elles parvenaient à porter le taux de participation à ce référendum, ne serait-ce que légèrement au-dessus des 50% d’inscrits. Ce qui sera une première au Mali et qui, surtout, confirmerait les résultats de tous les sondages d’opinion de Mali-mètre, GISSE qui indiquent que la grande majorité des maliens ont confiance en elles.
Enfin, le troisième enjeu sera celui de la capacité organisationnelle de l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections(AIGE) : faire voter les 8 463 084 électeurs dont 4 071 508 femmes répartis dans 13 240 centres avec 24 416 bureaux de votes.
En plus du fait que tous les sondages réalisés jusque- là par GISSE, la Friedrich Ebert Stiftung (FES) à travers Mali-mètre, confirment l’opinion favorable qu’inspirent les autorités de la Transition et particulièrement son président auprès des maliens, des mots d’ordre à la votation du OUI sont parvenus de grands partis de regroupements de partis et d’associations de la société civile. C’est pourquoi, nul besoin d’être devin ou mage pour prédire que le OUI l’emportera avec un taux des votants « à la soviétique » !
…sans rancune
Wamseru A. Asama