HumeurLa Une

La Souveraineté retrouvée : De la Rhétorique à la Propagande

Pour appuyer notre prémisse, nous nous sommes inspirés des travaux de Bernard Buffon, dans la parole persuasive (2002) pages 371-392 . D’après lui « L’avènement des sociétés de masse et des moyens de communication modernes a favorisé l’émergence de méthodes de « persuasion » très perfectionnées, que l’on regroupe en général sous le terme de « propagande ». Elles sont employées à des degrés divers et avec des intentions et des objectifs variés. Dans les régimes libéraux, elles sont au fondement de la publicité, commerciale et politique. Les régimes totalitaires les ont, quant à eux, poussées à un niveau d’efficacité sans pareil » Selon l’auteur, si la méthode dialectique cherche à réduire les facteurs de persuasion à la seule raison, la rhétorique extrémiste vise « idéalement » une persuasion dépourvue de toute raison ». C’est dans cette perspective que l’usage du concept « souveraineté retrouvée » nous interpelle. Mais avant de réagir sur le bien-fondé ou erroné de l’énoncé, nous allons d’abord procéder à une définition du terme « souveraineté » pour les besoins de compréhension.

1-Définition :

1.1-La souveraineté réfère à l’autorité suprême (d’un souverain d’une nation). La souveraineté tire sa légitimité du peuple, fondement de la démocratie. La souveraineté est dérivée du « souverain » du latin médiéval Superus, de super « dessus ». Fin XIIème siècle, le terme désigne l’exercice du pouvoir sur une zone géographique et sur la population qui l’occupe.

1.2- La souveraineté désigne également le caractère d’un État qui n’est soumis à aucun autre État, mais qui a la capacité juridique d’entrer en relation avec les autres États. La souveraineté est le principe de l’autorité suprême. En matière de politique, la souveraineté est le droit absolu d’exercer une autorité ( législative, judiciaire et/ou exécutive ) sur une région, un pays ou sur un peuple.

Nous verrons plus loin les différentes formes de souveraineté, après notre discussion sur l’énoncé de « souveraineté retrouvée »

2-Analyse :

A notre avis, l’usage du concept par les partisans de la propagande, consacre une stratégie de communication publique pour impressionner et manipuler les auditeurs

Maliens. Si leur raisonnement se limite à l’absence actuelle « d’ingérence extérieure » dans les affaires publiques maliennes, l’usage de la « souveraineté retrouvée » peut se justifier. Dans le cas contraire ils n’ont pas d’arguments pertinents et leur objectif ne vise pas à éclairer, expliquer et éduquer l’opinion publique sur le vrai sens d’un phénomène qu’ils tentent de décrire. Le débat ne procède pas à une démarche « sémantique », une pédagogie qui nourrit la réflexion sur la signification de « souveraineté retrouvée » Leur démarche ressemble à celle des marchands de « slogans politiques » pour dénaturer la réalité. Force est de constater qu’ils ne maîtrisent pas le sujet. Sinon comment peut-on expliquer le fait que « l’accord d’Alger » signé par le précédent gouvernement en 2015, ne soit pas considéré comme une atteinte grave à la souveraineté nationale du Mali, à cause de son caractère anti-démocratique et anticonstitutionnel ? Malgré sa caducité, si ce document est appliqué dans sa forme actuelle, c’est la souveraineté territoriale du Mali qui sera aliénée pour toujours. Le second argument concerne la « sécurité nationale qui est hypothéquée par la menace terroriste et djihadiste ». Les groupes armés et leurs affiliés qui contrôlent Kidal (CMA, MNLA, AQMI et AL-QAIDA) ne sont pas encore désarmés et démobilisés. Ils conservent leur capacité de nuisance. Pour l’instant il est trop tôt d’affirmer que les pouvoirs publics exercent le contrôle souverain et le plein pouvoir sur l’ensemble du territoire contre des poches résiduelles des terroristes et djihadistes. Les FAMA’s sont à la reconquête d’une souveraineté militaire que nous avions perdue par la faute et l’irresponsabilité des précédents gouvernements. Mais dans le contexte actuel, nous pouvons souligner une évolution positive des opérations militaires en cours. Les FAMA’s ont retrouvé une autonomie souveraine et de capacité opérationnelle avec l’acquisition de matériels militaires de combat, mais également par leur puissance et leur supériorité tactique dont la dynamique a changé le rapport de force sur le théâtre des opérations (sur le terrain et dans le ciel). Toutefois, le spectacle de l’ingérence étrangère sur le choix souverain de nos partenaires est un scénario qui se poursuit.  Notre troisième argument porte sur le processus de « mondialisation » qui est incompatible avec la notion de « souveraineté ». A cet effet, pouvons-nous soutenir objectivement l’idée, que le Mali est souverain, après avoir adhéré volontairement et librement à une coopération communautaire sous-régionale, sans prétendre aliéner sa souveraineté au sein de la CEDEAO et l’ UEMOA?. Les sanctions économiques et financières imposées au Mali par ces structures, n’ont-elles pas démontré les limites de notre souveraineté ? L’effet de la mondialisation a un impact qui conduit à l’abandon d’une partie de sa souveraineté. L’intégration des pays de l’Union Européenne est un exemple d’abandon de souveraineté nationale sur le plan politique, économique et monétaire. Soyons conscients que lorsqu’un État dit « souverain » participe à la production du droit international dans le cadre du multilatéralisme, ce pays est soumis à l’application des textes issus du traité dont il est partie prenante. Exemple : c’est le cas du défunt accord de défense dénoncé entre le Mali et la France. Notre quatrième argument concerne la servitude monétaire et un plaidoyer en faveur de la politique monétaire dont la souveraineté échappe au Mali depuis notre retour dans le système monétaire-CFA.  Les billets sont fabriqués à Clermont-Ferrand en France et le Mali ne contrôle pas son émission. Par hypothèse, la France peut décider unilatéralement d’inonder le marché par des faux billets et provoquer une pression inflationniste pour saboter notre stratégie économique de développement. 

3-Les formes de souveraineté :

3.1- Principe de souveraineté nationale :

« Ce principe a des racines dans l’antiquité avec la constitution des nations, du droit et des frontières. Il est fortement associé à l’idée de « Nation » par la révolution française. Il est aujourd’hui revendiqué par tous les États, démocratiques ou non dans le cadre du droit international. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément »

3.2-La souveraineté populaire :

« La doctrine de la souveraineté populaire identifie comme souverain le peuple au sens de l’ensemble de la population. La somme de tous les individus, par opposition à la nation, corps abstrait » La souveraineté populaire implique le suffrage universel. Dans la théorie classique, elle se traduit par un idéal de démocratie directe. Le principe au départ n’était pas démocratique, mais aristocratique »

3.3-La souverainté absolue :

« Une souveraineté absolue est une souveraineté totale, exclusive, qui n’admet aucune limitation, restriction ou exception dans son exercice. Elle est sans partage et ne peut être remise en cause. Exemple : dans une monarchie absolue, le roi dispose d’une souveraineté absolue »

3.4- La souveraineté interne et externe :

« La souveraineté d’un État est habituellement décrite selon deux aspects, la souveraineté interne et la souveraineté externe »

3.4.1-La souveraineté interne : « La souveraineté interne ou domestique se définit positivement comme le pouvoir suprême dont l’État a l’exclusivité sur son territoire national afin d’assurer la pérennité et la cohésion de la société. L’État n’est en concurrence avec ni subordonné à aucune entité, sa volonté prévalant sur toutes les personnes morales ou physiques. Il détient seul la compétence de la compétence et dispose de ce fait de prérogatives, en particulier » : ( la capacité à s’organiser lui-même, le monopole de la production du droit, la légitimité de l’autorité dont notamment le pouvoir de la violence légitime sur son territoire et du contrôle sur la population, le monopole de la force publique et du maintien de l’ordre, la justice, la défense nationale, la monnaie, l’administration publique ).

3.4.2-La souveraineté externe : « La souveraineté externe de l’État est sa souveraineté au niveau international et son indépendance absolue. Il n’est soumis à aucun autre État. Cette souveraineté se définit de façon négative comme l’absence de soumission à une entité supérieure. L’indépendance de l’État est cependant limitée par ses propres engagements dans les traités internationaux. Cette compétence à participer à la production du droit international est une des caractéristiques de la souveraineté externe ».

4-Mondialisation ou globalisation :

« La mondialisation est un processus visant à accroître l’intégration sociale et économique entre les pays du monde. Elle suggère une plus grande coopération. C’est un phénomène qui pousse les États à ouvrir leur économie nationale au marché mondial afin d’augmenter les échanges entre eux ». Cette intégration socio-économique impose certaines obligations à l’exercice de la souveraineté par l’État.

Conclusion : Nous tenons à rappeler que souvent, il existe une confusion entre les notions de souveraineté et d’indépendance. La définition ci-après procède à une clarification. « La principale différence entre la souveraineté et l’indépendance est que la souveraineté est un concept selon lequel un État ou une instance dirigeante a le droit et le pouvoir de se gouverner « sans ingérence extérieure ». et l’indépendance est une condition d’une nation, d’un pays ou d’un État qui exerce sa gouvernance de « manière autonome », et généralement sa souveraineté, sur son territoire ». La question d’interdépendance ou de coopération commerciale et économique continue de susciter des débats passionnants sur l’exercice de la souveraineté nationale ou l’indépendance. Nous sommes actuellement dans une phase de reconquête de la souveraineté nationale qui est un processus permanent. Tous les maliens et maliennes doivent participer à cette œuvre patriotique qui n’est pas l’affaire des militaires seuls.

(Préparé par Boubacar Touré, juriste, Montréal, Canada)

SOURCES :

1-https://www.cairn.info/la-parole-persuasive–9782130524090-page-371.htm

2- https://fr.wikipedia.org/wiki/Souveraineté

https://www.toupie.org/Dictionnaire/Souverainete.htm#:~:text=La%20souverainet%C3%A9%20est%20le%20principe%20de%20l%27%20autorit%C3%A9,une%20r%C3%A9gion%2C%20un%20pays%20ou%20sur%20un%20peuple.

3- https://www.toupie.org/Dictionnaire/Souverainete.htm

4-https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/270252-la-souverainete-nationale

5-https://fr.wikipedia.org/wiki/Souverainetépopulaire

6-https://www.bdc.ca/…/glossaire/mondialisation

7-https://fr.wikipedia.org/wiki/Mondialisation
8-https://www.google.com/search?q=mondialisation+d%C3%A9finition&rlz=1C1RXMK
9-https://www.bdc.ca/fr/articles-outils/boite-outils-entrepreneur/gabarits-documents-guides-affaires/glossaire/mondialisation

https://www.bing.com/search?FORM=SLBRDF&PC=SL10&q=diff%C3%A9rence+entre+souverainet%C3%A9+et+ind%C3%A9pendance 10-https://www.toupie.org/Dictionnaire/Souverainete_interne_externe.htm

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page