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Dans le bras de fer qui oppose le gouvernement aux syndicalistes de la SYNERGIE, nous vous proposons un texte, plein de sagesse et de pragmatisme d’un de leur futur collègue. Comme quoi, on peut encore nourrir l’espoir de pouvoir redorer le blason de notre système éducatif avec la venue sur le marché du travail dans quelques années, des jeunes qui sont dans des centres ou instituts de formation et qui, pour la plupart ont opté pour ce noble métier d’enseignant, que dis-je, d’éducateur, par vocation, contrairement à certains de leurs aînés.

BRAS DE FER

« Si l’État est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons »

Nous voulons montrer par cette citation que l’État a tous les moyens d’agir mais il nous laisse agir. Au moment où les syndicats de l’Éducation signataires du 15 octobre 2016 mobilisent leurs militantes et militants à fermer toutes les écoles publiques à compter du lundi 09 août 2021, sur toute l’étendue du territoire malien, dans la lettre circulaire n°10 du 07 août 2021, il s’avère nécessaire et même urgent de rappeler ce passage de Paul Valéry, à l’intention des Syndicats de l’Éducation et des autorités de la Transition.

Tout est parti de la publication de l’Ordonnance n°003 du 16 juillet 2021 fixant la grille indiciaire unifiée des personnels relevant des statuts des fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales, des statuts autonomes et des militaires. Pour le Président de la Transition, Assimi GOÏTA, « statuant en Conseil des ministres », cette Ordonnance a été prise au regard de la Constitution, de la Charte de la Transition et après l’avis de la Cour suprême sur la question. Nonobstant ces arguments, elle n’est pas acceptée par la Synergie de l’Éducation car cette harmonisation de salaires aurait défavorisé ses militants comparativement à ceux de l’U.N.T.M qui ont bénéficié d’une majoration de 15,17%. Certes, le droit de grève (Article 21 : Le droit de grève est garanti. Il s’exerce dans le cadre des lois et règlement en vigueur) et la désobéissance civile (Article 121 : […] Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’État. […]) sont consignés et reconnus dans la Constitution malienne du 25 février 1992, mais quand et comment les exercer sans porter atteinte aux droits fondamentaux des autres ? Voilà la grande question à laquelle chacun de nous doit réfléchir et donner des réponses concrètes.

Depuis les événements de 2012, certains le remontent d’ailleurs jusqu’en 1992, date de l’avènement de la démocratie dans notre pays, aucune année scolaire sérieuse, normale n’a pu avoir lieu. Si ce ne sont pas les enseignants qui vont en grève, c’est l’A.E.E.M (l’Association des Élèves et Étudiants du Mali) qui déverse les apprenants dans les rues, cette association dont les responsables ne réagissent pas au moment où l’on menace de fermer les écoles alors que des examens de fin d’année ont déjà commencé.  Revendiquer son droit est une lutte noble, mais accomplir aussi ses devoirs est digne, loyal et honnête, car « trop de droit nuit à la vie ». Nul ne peut contester aujourd’hui, en République du Mali, que des avancées ont été faites au niveau des salaires, du Président Modibo jusqu’au Président IBK, même si les réalités sociales ont évolué et que le niveau de vie est de plus en plus cher. Une chose est sûre, voire paradoxale, à notre analyse : chaque jour que Dieu fait, le niveau financier de l’enseignant malien s’améliore, mais au même moment, le niveau intellectuel de l’élève malien s’abaisse. Ce qui met en question la qualité de la formation donnée par les enseignants dans les écoles. Dans les temps passés, les établissements publics étaient les vitrines de l’excellence et les élèves des coins de brousse venaient s’imposer aux élèves citadins une fois qu’ils étaient admis au DEF ou au BAC. Aujourd’hui, le constat est amer, car les quelques meilleurs élèves qu’on dénombre se trouvent, la plupart des cas, dans les grandes villes et dans les écoles privées.

Pour ce qui concerne le bras de fer qui vient de s’instaurer entre les enseignants et le gouvernement, à la suite de la grille salariale unifiée, notons que les enseignants s’usent d’un certain nombre de moyens de lutte dont la rétention des notes des élèves, le boycott des examens par la non-participation aux épreuves anticipées et à la surveillance des examens, la désobéissance civile se traduisant par la fermeture intégrale des écoles publiques jusqu’à nouvel ordre. Alors, les questions que nous posons sont les suivantes : les notes des élèves et les établissements publics appartiennent-ils aux enseignants ?  Puisqu’ils parlent de droit, ont-ils le droit de priver les apprenants de leurs résultats, c’est-à-dire les notes, et ont-ils également le droit de fermer les écoles privant ainsi les apprenants de l’éducation, de l’instruction et de la formation qui font partie des droits fondamentaux de l’enfant, consignés dans l’article 17 de la Constitution du Mali au même titre que l’article 121 de la même Constitution qui ordonne la désobéissance civile ? Dans leur lettre circulaire, les syndicats de l’éducation ont parlé « de la violation de l’espace scolaire par les forces de l’ordre dans certaines localités du Mali » et des « situations qui entravent les droits et les libertés des syndicats de l’Éducation », mais qu’en est-il « des droits et des libertés » des apprenants ? L’article 02 du Règlement intérieur des écoles fondamentales et l’article 07 de celui de l’enseignement secondaire général stipulent en ces termes : « Le domaine scolaire est inviolable. Nul n’a le droit de troubler la quiétude de l’école ». En se déplaçant « en masse vers les structures » scolaires « pour la fermeture jusqu’à nouvel ordre » ne sera-t-il pas une violation des articles cités ci-dessus ?

            Par ailleurs, la partie gouvernementale a été injuste dans l’application de l’Ordonnance de la grille indiciaire unifiée lorsqu’elle écrit dans son article 03 que ce texte « ne s’applique pas aux Enseignants-chercheurs ». Nous dénonçons cette injustice car  l’article 39 (Toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du Statut général s’applique de plein droit au personnel enseignant de l’Enseignement secondaire, de l’Enseignement fondamental et de l’Éducation préscolaire et spéciale) du statut particulier des Syndicats de l’Éducation signataires du 15 octobre 2016, a pour équivalent l’article 66 (Toute revalorisation des rémunérations des fonctionnaires relevant du statut général s’applique d’office aux enseignants-chercheurs de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique) du statut des Enseignants-chercheurs, parce que chaque étudiant d’une université ou d’une école supérieure passe d’abord par le fondamental, le secondaire avant de faire des études supérieures. De ce fait, il y a injustice ; or, selon Montesquieu, grand juriste sous l’Ancien Régime, « une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi, mais elle doit être loi parce qu’elle est juste ».

En perspective, si la Refondation de l’État, dans cette période transitoire, ne prend pas en compte les multiples formes d’injustice et les mauvaises lois qui nourrissent l’inégalité sociale dans notre pays, les textes finiront par mettre le Mali à genoux. Aussi, faut-il le dire, ce ne sont pas nos réalités qui s’adapteront aux textes, mais plutôt ce sont les textes qui s’adapteront à nos réalités. Les autorités maliennes devraient aussi songer à résoudre définitivement le problème des statuts autonomes en prenant d’abord un décret qui les abrogera temporairement ; ensuite en mettant en place une commission pour leur lecture afin de diagnostiquer leurs faiblesses pour une éventuelle révision, car, de même qu’il faut relire l’Accord de la Paix et la Réconciliation, il faut aussi relire tous les statuts particuliers et faire en sorte qu’ils ne dépendent plus du statut général de l’U.N.T.M.

Abdoulaye BERTHÉ

Etudiant-professeur à l’ENSUP

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